Les premières lignes de l’histoire vous emportent déjà dans leur sillage…

Sophie Tessier est née à Rennes le 17 Octobre 1976 et enseigne les Lettres Modernes dans un collège.

Amoureuse des pays nordiques (Norvège, Islande, Groenland, Canada) et passionnée de plongée sous-marine, elle sait aussi jouer avec les mots.

Ainsi, elle s’est vu décerner le prix Poésie au 15ème Salon international du livre insulaire à Ouessant en 2013 pour Groenland est, carnet de voyage publié à compte d’auteur, fruit de son 2ème séjour au Groenland durant l’hiver 2012.

 

Si Varech est son premier roman, il n’en demeure pas moins parfaitement maîtrisé et empreint d’une singulière puissance poétique.

 

De toute évidence, cette jeune romancière “a une plume”, comme on dit. Les ambiances fantastiques du récit ne sont pas sans rappeler celles qui imprègnent les oeuvres d’Edgar Poe, Guy de Maupassant ou Julien Gracq, mais ces influences prestigieuses n’étouffent pas l’écriture.

 

Le style est personnel et assuré. Il ne pousse pas la poésie dans des chemins de traverse sur lesquels le lecteur néophyte se perdrait rapidement. Ici, on se laisse emporter par ce petit paquet de mer, doucement mais agréablement.

 

La référence à Ouessant (et même à une île) n’est pas explicite, mais les petits murets de pierre contre lesquels se blottissent les moutons sont parlants par eux-mêmes. On peut sans peine visualiser les paysages dans lesquels l’histoire se trame, sur fond de dissolution du réel dans le chant des sirènes.

 

Cet univers onirique fait écho aux dessins animés japonais créés par les studios Ghibli à Tokyo, en particulier Ponyo sur la falaise du grand maître Hayao Miyazaki, sorti en 2008.

 

 

Alors, que reprocher à ce roman si ce n’est que l’on quitte à regret ses personnages. On aurait aimé que leur créatrice, visiblement en empathie avec eux, prolonge pour elle-même le plaisir de l’écriture et pour nous celui de la lecture. Mais les résonances automnales du récit envoûtent l’imagination et perdurent après son épilogue, même si “l’horizon tire un trait” en guise de conclusion.

Les premières lignes de l’histoire vous emportent déjà dans leur sillage…

 

“Le ciel gris, voué à l’estompe, donnait à ses nuages des marques de repentir. Le soleil se terrait dans un arbuste, pris dans ses épines. Anselme eut un sourire. Il s’approcha et, penché au-dessus des ajoncs, se mit à respirer comme font les chats, flairant par petites goulées délicates leur miel. Dos voûté, genoux pliés, pieds nus sur la terre voluptueuse, il saluait le jour. Il finit par se redresser, lentement. Pas de vent aujourd’hui, seulement un peu d’air, de l’air mouillé, friable, suintant de doux chagrins dans ses mouchoirs de brume. L’automne !” (p. 9).

 

Eric AUPHAN – L’Archipel des Lettresaoût 2017