De Justine Bo, j’avais gardé en mémoire son premier livre Fils de Sham remarquable par son écriture tendue et nerveuse, sans concession pour le lecteur.
Avec “Des griffures invisibles“, l’auteure nous décrit la relation conflictuelle de Raffaella avec sa mère.
Cette dernière, trapéziste dans un cirque ambulant entraine sa fille au gré des “exodes” de Rome à Tbilissi, de la Turquie à l’Azerbaïdjan.
A la fois voyage initiatique intérieur et nomadisme géographique, ce texte explore “les étapes de la folie” à l’origine de leur haine réciproque.
Lorsque la narratrice dit “ma solitude grandissait plus vite que moi” et “ma rage crissait de toutes ses blessures”, on comprend l’âpre violence de cette enfance détruite.
Malgré les voyages et les rencontres, Raffaella grandit dans l’isolement et l’affrontement. Et à contre temps, elle préfère la grâce de la danse aux acrobaties risquées du trapèze.
Belle réflexion sur le temps et les entrelacs de la mémoire refoulée “d’une enfance qui ne lui revient pas” ; cette quête initiatique aborde aussi frontalement les thèmes de l’affranchissement filial et de la renaissance personnelle.
Au cours de cette fuite en avant d’exils, Justine Bo décrit avec beaucoup de finesse et de précision une galerie de personnages secondaires qui charpentent la relation mère-fille.
Autre grande force de ce livre, l’écriture rythmée, tendue et ponctuée de fulgurances percutantes au risque de dérouter le lecteur, emporte ce dernier dans un univers bien singulier.
Avec un style alerte et d’un réalisme psychologique implacable, cet “exode” ne constitue pas un retour vers la terre mais vers une vie “promise”, promesse d’une romancière originale et talentueuse.
Jean-François JAMBOU