« Ainsi ce matin-là je marchais donc près de la rivière immobile et sans une ride dans un concert d’oiseaux, suivant pas à pas la logique tortueuse d’un poème d’Exister. »
Nous sommes en terre normande, à Canisy, village de l’enfance, au pays de Jean Follain qui est aussi le pays de Janine Mesnildrey. Comment une œuvre peut-elle nous faire renaître tout au long d’une vie ? Comment la poésie peut-elle nourrir les jours et les nuits et entraîner à la traversée des apparences ? Jean Follain n’est plus, il a déposé ses mots, et Janine Mesnildrey s’en empare, les absorbe, dialogue avec l’absent et ce trop de présence qu’il a laissée.
Elle confie cette rencontre bouleversante, invite à se confronter à l’énigme d’un poème, à éclairer son propre cœur et traverser l’épaisseur de la psyché humaine avec ses ambiguïtés et ses ombres. Les vers de l’un s’enchâssent aux sensations et souvenirs de l’autre, les mots et les paysages s’entrelacent, échangent leur sève, et les sensibilités fraternisent.
« Follain est moins un poète de l’objet qu’un poète qui a l’art de faire parler tout ce qui ne parle pas ».
Ne craignant pas d’exprimer émotions et sentiments, le récit fait exploser les cadres, tient de l’autobiographie et de l’essai et nous engage à avancer au rythme des découvertes de la lectrice dans l’œuvre du poète. Nous pénétrons à ses côtés au pays de Jean Follain avec lenteur, pas à pas, ou brusquement avec fièvre, par envol et bondissement.
Il est rare et précieux de suivre ainsi le cheminement d’une lecture vivante à l’intérieur d’une œuvre adossée à ce point à ce qui la constitue : une relation solidaire aux lieux, aux paysages, aux animaux, aux objets, au surgissement des souvenirs et, invisible et toujours présent, au temps qui contient naissance, usure et mort.
« Le bouquet de mots improbables, serrant ensemble la nudité, l’odeur des corps, la sensualité des choses vécues, tout ce qui monte d’elles dans la pensée et se développe dans la métaphysique, ce bouquet-là m’émerveille ! »
écrit Janine Mesnildrey qui signe avec cet ouvrage un vibrant hommage à l’œuvre de Jean Follain en lequel résonne en filigrane l’injonction d’Hölderlin « Habiter poétiquement le monde ».
Cypris Kophidès