« Nous vivons ! » n’est pas un recueil de souvenirs, c’est une histoire.

Quand on est malade le Temps change. Il ne passe plus, il est retenu comme un fleuve empêché, capté par un jeu d’écluses.

 

On pourrait dire que Lydie Arickx a écrit « Nous Vivons ! » en Temps modifié.

 

Les allées et venues insouciantes par où le Temps passait en s’effaçant, se trouvent réduites, limitées, utiles.

Alors le Temps ne passe plus, il est là, dressé dans les calendriers, marqué en rouge.

Dates et délais. Le Temps d’avant n’est plus, le Temps est devenu l’attente.

Il existe des salles réservées à l’exercice de l’attente. Le Temps n’y passe jamais, il s’y épuise.

 

Quant à l’Espace, devenu impraticable de manière ordinaire, il manifeste une division jusqu’alors inaperçue : il y a désormais l’Espace limité, cet intérieur d’infortune où le patient se trouve, localisé, dans sa chambre et au delà il y a l’Espace dans son entier, qui exhibe son infini. Mais l’infini reste sous verre, encadré par la fenêtre.

 

« Nous Vivons ! » parle d’amour, vous verrez, en même temps qu’il parle d’Elle en proie aux grimaces de l’Espace et du Temps, lesquels s’étrécissent toujours plus, pour faire place au Néant auquel Lydie Arickx n’adresse pas la parole.

 

« Nous vivons ! » n’est pas un recueil de souvenirs, c’est une histoire.

L’histoire de Lui qui souffre de sa maladie à Elle. Il crève de ne rien pouvoir.

Le temps d’un scanner il doit la quitter.

 

Elle écrit :

 

Toi qui levais tristement la main à l’entrée de la salle d’examens, comme d’une cabine de plage en hiver.

 

C’est ainsi qu’elle installe le monde autrement. Par le travail poétique elle amende le drame.

Elle sait déjà que, de cet instant, le récit viendra ; le récit n’est pas encore…

Mais déjà il a changé l’instant.

 

Toi qui levais tristement la main à l’entrée de la salle d’examen: c’est comme un adieu. Mais non, car ce geste arrive depuis un seuil léger, ensablé, ensoleillé : comme d’une cabine de plage.

Et puis la phrase s’achève : comme d’une cabine de plage en hiver.

 

Le Réel est bien là. Froidement présent.

Il vient pourtant de subir un genre de cure, par l’effet des mots sa densité a changé.

Nous vivons.

 

Alain Gillis