A propos de l’œuvre de Yves Elléouët

La mer qui bouge sans fin, le vent qui d’ouest en est chasse sans fin la petite pluie sur les villages et les terres, le schiste des chemins, l’ardoise des toits, les bistrots tenus par de vieilles femmes, les chopines bues, l’aboi des chiens dans les fermes lointaines, et le sommeil dans la poussière des combles — il n’en faut pas davantage à Yves Élléouët pour plonger dans les délices des songes éveillés.

 

Brin par brin, comme l’herbe des talus sous le soleil, la vie quotidienne se met à briller, éclat fugace mais toujours recommencé. Chacun vit sous cette lumière, les arbres, les gens, les pierres.

 

Si revient la parole du vieux Taliesin, « j’ai été sous une multitude de formes», c’est pour faire comprendre que celui qui nomme, s’il parle juste, se glisse en ce qu’il nomme, saumon dans la rivière, clarté de la lune à travers les persiennes, le chien qui tire sur sa chaîne, le matelot ivre dans le fossé. Il n’y pas de morale, pas d’enfer, ni d’éternité, mais pour chaque être sa vérité et la vérité du monde.

 

Falc’hun dans son grenier ressent en son corps épuisé la présence des quarante générations qui l’ont précédé sur le même coin de terre… Il est en même temps eux et lui. On le croit, et la réalité devient transparente.

 

On est saisi par une voix basse, un peu rauque, violente, tendre, qui est la voix vivante d’Yves Élléouët, cependant que dans ses furieuse dérives il hale avec lui tout son peuple à travers l’espace et le temps de Bretagne.

 

Existe-t-il une autre magie ?

 

Dominique Aury 

 

Secrétaire générale de la NRF, Dominique Aury a soutenu l’œuvre d’Yves Elléouët en particulier en tentant sans succès de   lui faire attribuer le prix Femina, dont elle était membre du jury depuis 1963.