Au plus près l’un de l’autre

Marie-Hélène Bahain excelle à explorer les silences, ceux de l’amour dévorateur qui peut lier un fils et son père (La Trouée bleue), une mère et sa petite fille (Ruissellements), un fils et sa mère (L’arbre au vent).

 

Avec Sept jours moins toi, l’auteure s’attache à éclairer les sentiments fusionnels entre une femme et un homme.

Une vie ordinaire, l’homme chaque matin part travailler dans une agence, chaque midi ou presque rentre déjeuner, le jeudi soir va à un entraînement sportif, une vie singulière aussi, la femme ne travaille pas, ne fait plus les courses car la dernière fois « elle avait acheté n’importe quoi ».

Enclose dans un amour exclusif, déesse d’un seul officiant, elle vit chaque jour dans l’attente, pense à «  l’homme à ses côtés. Seulement lui depuis qu’elle était femme». L’homme est attentif à ce qu’elle soit « à son côté. Entière. Pas la moindre petite partie de présence ne s’échappait. »

 

De l’un à l’autre il y a la mer et le grondement des vagues qui accompagnent leurs promenades sur la grève, il y a la musique, ce lien fluide qui court des doigts de l’homme sur le piano au cœur de la femme, particulièrement les Scènes d’enfants de Schumann, il y a la rencontre de deux corps qui s’épousent et se comblent.

 

Des années se sont écoulées et se lèvent des ombres troublantes. Rêveuse, sensible, mi-somnambule, mi-éveillée, la femme se surprend à avoir le besoin de poser des mots, des notes dans un carnet et plus encore de cacher ce carnet…

 

Tout est-il déjà perdu ou tout peut-il encore être sauvé ? C’est sur cette lame d’incertitude que se construit le récit, le pressentiment d’un éloignement et l’incapacité à l’envisager, la puissance du sentiment amoureux et son impalpable absence. Que s’est-il immiscé entre eux? Chacun fait de pauvres efforts pour se rapprocher de l’autre mais les corps se ferment, les mains gèlent, les jambes n’ont plus de but.

 

Les mots en eux alors se multiplient mais ils les retiennent dans la crainte de leur brutalité. Désertés par le désir, il leur resterait encore l’effroyable à franchir, dire le « jamais plus » à l’autre et y percevoir le souffle frais d’une aube.

 

A l’intérieur de la maison, dans la ville ou près de la mer, Marie-Hélène Bahain transporte le huit clos de l’espace passionnel et d’une voix précise, sobre et pénétrante, elle s’y fait l’écho de la perplexité et du désarroi devant les tremblés du ressac amoureux et en creux nous interroge : Qu’en est-il de ce formidable lien qui fait se pénétrer les corps et les psychismes ? De ce formidable lien pour lequel de jeunes lèvres éprises prononcent ce mot débordant : « toujours » ?

 

Cypris Kophidès