Au début est la terre, celle dont le sang imprègne les racines, où se fonde l’Histoire. Devenue territoire par les migrations des ancêtres gitans, de l’Inde au Périgord, en passant par la Grèce et l’Espagne, elle se confond avec l’histoire de Jani. Ainsi s’élabore une culture, forgeant l’identité d’une communauté, s’épanouissant dans la transmission. Jani en a reçu les dons de la narration, par la peinture et par l’écriture. C’est le temps des roseaux.
Elle glane sa récolte dans sa mémoire vive, jamais abandonnée, souvent sollicitée tant dans ses récits que dans ses peintures. Jani est une conteuse, inspirée par les mythologies, sollicitant les imaginaires, et cependant toujours proche de la réalité. Elle propose des liens que le lecteur ou le contemplateur peut s’approprier pour initier son propre voyage. Image, motif ou personnage, entre incarnation et spiritualité, il s’agit d’abord de sensibilités, d’émotions, de rencontres et de passages.
Dans Le temps des roseaux, au-delà du récit, mais à travers lui, émergent les chants d’Aurelio dont le souffle de l’esprit gitan illumine l’histoire. Ces chants sont poétiques parce que leur âme est poésie, ces chants sont lyriques parce qu’un fleuve peut aussi déborder de son lit pour irriguer des terres inconnues.
Aurelio, maître du temps, sage composant avec les éléments, est l’initiateur des sentiments. Passeur de flammes, ses chants assurent la pérennité de la tradition, pliant sous les vents parfois violents de la vie, surgissant tel un roseau qui se multiplie par rejets de tiges souterraines.
Ainsi, Nicolas, Rosita, Flore, Amara, Jane et Paul porteront tous ensemble les chants d’Aurelio dans un espace plus vaste qu’eux, dans des ailleurs qui dépassent nos frontières.
Yves Bescond