Avec sa Dame de bonheur, Bluma Finkelstein continue à nous enchanter.

Bluma Finkelstein demeure un poète encore méconnu. On peut pourtant dire d’elle qu’il s’agit d’une voix majeure de la littérature israélienne francophone contemporaine.

Son livre La petite fille au fond du jardin (Diabase, 2000) a profondément touché de nombreux lecteurs et elle a été, en 2019, lauréate du prix international Benjamin Fondane.

 

Avec sa Dame de bonheur, elle continue à nous enchanter.

 

Mais qui est donc cette « Dame de bonheur » sur les pas de laquelle Bluma Finkelstein nous entraîne sans répit ?

Quelle est cette fée qui semble l’envelopper et la protéger ? S’agit-il d’une sainte patronne ? D’un ange gardien ? S’agit-il de sa mère, cette dame à la « chevelure noire enroulée en nattes autour de sa tête » ? Ne s’agit-il pas, plutôt, de Bluma Finkelstein elle-même sous les traits d’une enfant radieuse quand « tout brillait » et que « les rosiers changeaient leurs épines en épices d’Orient » ?

Oui, nous dit le poète, l’enfance est cette « divine escale sur le versant éclairé de l’existence » à une époque de la vie où l’on croit « presque à l’immortalité ».

Vert paradis de l’enfance, donc, ce « temps des mythes et des histoires heureuses où tout finit bien », avec ses « printemps embaumés » et ses « orangers en fleurs, ses « rayons du soleil plus sucrés que le vin de Cana ». Mais plus dur, on le sait, sera la chute. « Pourquoi après le ciel radieux, cette « avalanche de neiges grises »  et ces routes « inondées du sang des innocents » ?

 

Alors pour faire face, Bluma Finkelstein sort sa « grammaire de survie ». Elle s’arc-boute sur un mot-clé : la connaissance. « Le bonheur est l’effet de la connaissance, écrit-elle, c’est là que Dieu respire ».

Ailleurs, elle dit : « Ne te dépêche pas d’arriver, apprends » ou encore ceci : « cherche au lieu de courir ».

Autant d’injonctions dans un monde qu’elle sent marquée par la montée des périls, par toute cette « chair brûlée / sur la terre des promesses ».

 

Le poète est là, à l’heure où l’on parle plutôt de murs et de frontières, de « routes vaines qui s’enfoncent dans les souterrains », le poète est là pour « créer des ponts ».

C’est sans doute à cette condition que la dame de bonheur pourra retrouver, un jour, droit de cité.

 

Pierre Tanguy   http://www.dessourcesetdeslivres.fr/textessources/pierretanguy.htm

octobre/novembre/2019