Course folle à l’amour

Son titre ne dépareillerait pas dans un rayonnage consacré à la littérature russe.

Le choix du sorbier n’y est pas étranger, pas plus que des références omniprésentes à la poétesse Marina Tsvétaïeva.

 

 

Ce deuxième roman de Daniel Morvan porte en lui le souffle épique et désespéré de l’oeuvre de Boris Pasternak.

Mais son docteur Jivago s’appelle Robinson et sa Lara Adèle. Et les étendues blanches de la lointaine Russie ont ici la couleur des plages de Noirmoutier et des collines du Lubéron.

 

C’est l’histoire d’une rencontre impossible entre un veuf et une veuve réunis par un quiproquo le jour même des obsèques de leurs défunts respectifs.

Quand le destin ne tient qu’à une erreur de couronne !

L’histoire de Robinson, l’amoureux ténébreux prisonnier des convenances qui imposent à la personne endeuillée la mise en quarantaine de nouveaux sentiments, incapable d’exprimer son attirance envers Adèle, la belle amante insaisissable.

 

Course folle à l’amour

 

L’un comme l’autre semblent se perdre dans cette course folle.

Les routes des deux protagonistes s’y Croisent et s’y décroisent, au rythme des mélodies gracieuses et des amours tumultueuses de Robert Schumann, douloureusement épris de la jeune et belle Clara.

Ils se cherchent, se retrouvent pour mieux se perdre sur la musique sombre des poèmes de Rainer-Maria Rilke, mort des suites d’une mauvaise piqûre dépine de rose, ou celle mélancolique des vers de Marina Tsvétaïeva, l’inconsolable poétesse exilée loin de sa Russie natale qui trouva momentanément refuge dans les bras de Pasternak. Autant de vies sublimées par une double passion destructrice.

 

Cette même passion qui dévore Robinson, autrefois promu à une grande carrière de pianiste finalement contrariée par un amour de jeunesse. Et qui nourrit Adèle, nègre littéraire affranchi et comédienne dans l’âme.

 

 

Loin de la noirceur de « Miss Bella Donna », son premier roman, un polar publié en 2003, Daniel Morvan se fait ici plus léger dans le ton, avec de fréquentes références littéraires, musicales ou cinématographiques, sans peur des incongruités d’écriture où l’imparfait du subjonctif côtoie, avec bonheur, l’écriture phonétique du SMS.

 

La Fille du sorbier, une histoire de toujours, mais une fin des plus inattendues.

 

Dominique Bloyet / Le Courrier de l’Ouest 21.01.2005