Des liens entre Bretagne et Afrique

Un mot suffit parfois à faire surgir un monde.

Certains romans naissent ainsi, d’un écho qui en engendre d’autres et crée des liens inattendus mais étrangement convaincants. Convaincants parce qu’ils sont, précisément, ancrés dans le langage.

 

Akparo, le dernier roman d’Hervé Carn, semble faire partie de ces romans-là.

« Akparo », ce mot que prononcent certains Africains pour vous souhaiter la bienvenue, « Akparo » qui, à l’oreille du Breton qu’est Hervé Carn, ne pouvait que faire écho à Kenavo.

De là à tisser des liens entre la Bretagne profonde, traditionnelle, en proie aux forces telluriques que savent domestiquer, canaliser et utiliser les guérisseurs, et l’Afrique familière de pratiques jumelles et non moins ancestrales, il n’y avait que le pas de l’imaginaire, auquel le romancier n’a pas résisté.

À décrire la Bretagne défendant ses valeurs et résistant aux poussées anarchiques du modernisme pour accueillir une équipe de footballeurs africains déchirés entre leur civilisation et la nôtre, Carn excelle.

 

Au passage, il campe quelques beaux personnages, dont le docteur Louis, guérisseur breton dépositaire de secrets ancestraux, pilier des cultes anciens et sachant mieux qu’un curé sonder les reins et les cœurs.

Certaines longueurs agacent un peu, cependant ; mais ne s’expliquent-elles pas par l’irruption d’une temporalité africaine qui ignore souverainement nos impatiences ?

 

À cette réserve près, Akparo reste une œuvre très romanesque, servie par une écriture habile et maîtrisée, et dans laquelle on s’installe pour quelques moments de vrai plaisir littéraire.

 

Louise L. LAMBRICHS / VIENT DE PARAÎTRE n° 5 – Juillet 2001