Essayer d’aller à l’essentiel

Dans Noces de lecture (2002), M.-H. Bahain nous faisait partager ses interrogations sur la création et le processus de l’écriture. Ici, après nous avoir conduit dans l’intimité d’Alain, narrateur de La Trouée bleue (2001), dont la souffrance enfouie se frayait progressivement un chemin dans un monologue avec un père mourant, M.-H. Bahain nous entraîne dans l’histoire d’Évelyne, femme meurtrie qui comble les fractures d’une vie avec ce qu’elle rencontre sur son passage, l’alcool et les hommes.

 

Héroïne fragile qui s’accroche dans un amour quasi-fusionnel à sa petite fille, Lili, Angélique pour l’état-civil et les autres, Évelyne essaie de vivre entre trop-plein d’amour pour celle-ci et souffrance enfouie de sa propre enfance ; ses moyens, une adhésion charnelle au monde, aux éléments qui le composent : l’air, le ciel, l’eau sont là pour qu’elle s’échappe, qu’elle échappe à son passé, à son corps abîmé, à ses propres dérobades, à la vie quotidienne lourde et opaque.

 

L’écriture de Marie-Hélène Bahain, sans fioritures, à la fois souple et précise, est entière au service d’un récit tragique où l’humanité et sa fragilité sont soulignées par un écrivain qui nous interroge sur notre fraternité, y compris avec les plus paumés et les plus loin de nous, sur notre comportement face à eux.

 

Dans une interview récente, M.-H. Bahain disait essayer d’aller à l’essentiel. Elle y réussit pleinement et dans une langue bien personnelle.

 

Armelle Gendron-Maillet / Encres de Loire juin 2004