Auteur prolifique et touche-à-tout, Hervé Jaouen sera présent, ce dimanche, au Salon du livre de Châteaulin. Il y présentera, entre autres œuvres, son dernier roman, « L’amour dans les sixties ». Un livre passionnant, dans lequel il décrit, sur 50 ans, une touchante et tortueuse histoire d’amour entre les deux personnages principaux, Étienne et Thalie. Avec, en bonus, un ancrage loin d’être inconnu aux habitants du territoire.
« L’amour dans les sixties » se déroule à cheval entre les années 1960 et aujourd’hui. En le lisant, on se dit que vous pourriez très bien être Étienne, le personnage principal. Est-ce autobiographique ?
Il y a une part autobiographique dans la mesure où, tout comme Étienne, j’ai commencé à écrire lorsque j’étais lycéen. J’étais ambitieux et fasciné par le Nouveau Roman (mouvement littéraire du XXe siècle, NDLR). J’ai écrit un premier roman, refusé un peu partout à juste titre. Mais tout de même, ça recelait de petits trésors parce que quand on est jeune, on a des éclairs. Alors de temps en temps, je feuilletais le manuscrit et j’en ai fait quelque chose. J’ai bâti une intrigue là-dessus et sur le personnage d’Étienne, qui n’est pas écrivain mais journaliste. Il revisite ce texte et tout son passé lui revient à la figure.
En parlant du passé, quels souvenirs gardez-vous des années 60, que vous décrivez comme une période où tout, ou presque, était permis dans ce livre ?
Il s’agissait de la fin de mon adolescence, une période riche pour n’importe qui, quelle que soit l’époque. C’est aussi une période d’évolutions considérables : lorsque je suis arrivé au lycée, on faisait la chasse aux cheveux longs, on devait avoir la boule à zéro ou presque. Lorsque j’en suis sorti, la mode était au « Flower Power » et aux hippies. Même dans la banque où j’ai démarré mon travail, on a commencé à pouvoir s’y rendre en jean et non pas en costard-cravate. Les filles se sont considérablement libérées aussi. C’est une période riche à bien des niveaux.
J’ai écrit un premier roman, refusé un peu partout à juste titre.
Étienne vit une période de liberté sexuelle intense dans les années 1960 avant de finalement se ranger et finir sa vie avec son premier amour. Vous ne croyez pas au polyamour ?
Sans doute que ça existe mais pas dans mon cas. Je pense que les pigeons ont raison (rires). C’est quelque chose de formidable que de rencontrer quelqu’un dans la vie et de rester avec cette personne. Aujourd’hui, je pense que beaucoup de jeunes confondent l’amour et les copains. On se met ensemble, on couche ensemble mais au final, ça ne tient pas.
Vous décrivez une vie de couple un peu triste : entre Étienne et sa femme, Thalie, il y a un agenda hebdomadaire fixe, un créneau appelé « l’heure du dialogue »… C’est votre vision du couple moderne ?
N’oubliez pas que c’est un roman ! Cela dit, je suis surpris de l’interprétation que vous en faites. Il y a au contraire une complicité extraordinaire entre Étienne et Thalie. Ils se comprennent sans se parler. Le silence est souvent plus fort que les mots. Ils communiquent plus que deux personnes bavardes entre elles.
Ce sont aussi deux personnes très jalouses mais elles ne l’expriment pas de la même manière. Vous pensez qu’un homme et une femme ne vivent pas ce sentiment de façon identique ?
J’appartiens à cette catégorie d’auteurs qui n’analysent pas leurs romans, c’est à vous de le faire. En revanche, ce qui est certain, c’est qu’en effet, ils sont tous les deux très jaloux et ce qui est extraordinaire, c’est que la jalousie est encore présente même après une si longue vie de couple. Cela montre que l’amour entre les deux est intact.
L’autre thématique très présente dans ce roman est celle du suicide. Le personnage principal, obsédé par Othello, de Shakespeare, y fait souvent référence, de manière presque bienveillante. C’est l’acte ultime de liberté selon vous ?
Je me rends compte que le suicide est souvent présent dans mon œuvre, les lecteurs me l’ont fait remarquer aussi. Je pense en effet que c’est la forme suprême de liberté d’un individu que de choisir le moment et la façon dont il va partir.
C’est une thématique d’actualité aussi, avec les nombreux débats sur la fin de vie et le suicide assisté. Quel regard portez-vous sur cette question ?
C’est un débat qu’il faut mener. Quelqu’un qui connaît un petit peu la médecine sait déjà que l’on ne laisse pas les gens souffrir inutilement. Ma mère a été endormie par les médecins à Laennec, à Quimper, il lui restait deux ou trois jours maximum. Ils me l’ont dit, pas de problème mais avec quelqu’un d’autre, ça aurait pu terminer en procès ! Cela dit, heureusement que ça existe et c’est tout à fait normal. Je suis plus réservé sur la question du suicide assisté. Je ne pense pas que l’on puisse demander à un médecin qui a fait le Serment d’Hippocrate de nous aider à nous suicider alors qu’on est en bonne santé. Et puis, celui qui veut vraiment se suicider possède quand même de nombreux moyens à sa disposition…
Le Télégramme 12/10/2018