Comme bien d’autres Occidentaux de sa génération, Gil, un jeune Français de dix-huit ans, quitte Périgueux en solitaire en 1973 et, après une errance à travers l’Afrique, grâce à l’aide providentielle de la communauté indienne locale, s’embarque du Kenya pour l’Inde où il débarque un an plus tard. Depuis cette époque – hormis quelques séjours en Europe dans les années quatre-vingts –, il vit en Inde.
Poussé par une conviction intime et pressante, il est en quête d’un guide spirituel. Ce maître, il le rencontre et le reconnaît à Rishikesh. Sous sa direction, Gil, devenu Jayramdas (« Gloire au serviteur de Ram »), entre dans une rude ascèse liée au kundalini yoga selon les règles traditionnelles. Avec l’accord de son guru, il engagera ultérieurement une seconde sâdhanâ selon l’enseignement d’une école ésotérique du shaktisme, le ShrîVidyâ, tout en se rapprochant progressivement d’une voie spirituelle plus universelle, le Vedânta. Depuis 1990, il est établi dans le Gujarat, sur les rives d’une des rivières sacrées de l’Inde, la Narmadâ, où il a fondé un petit ashram, Shri Mata Nilayam.
Pour tenter de rendre compte du parcours spirituel de Jayramdas – un des rares Occidentaux devenu sâdhu (celui qui a renoncé au monde pour se consacrer à la vie spirituelle) –, Pierre Fournier, un ami d’enfance qui a renoué avec lui trente ans après son départ, a réalisé ce film et le livre qui en est résulté. De leurs échanges, il ressort la radicalité d’un engagement dans des voies spirituelles peu ouvertes aux Occidentaux. Pour ce faire, Jayramdas a dû opérer non seulement une conversion spirituelle, mais également une immersion culturelle complète, notamment en étudiant le sanskrit, le hindi et le gujarati, langues qu’aujourd’hui il maîtrise. Et son premier guru, aujourd’hui décédé, qui parlait à son propos d’une âme indienne dans un corps français, n’hésita pas à lui remettre le cordon sacré traditionnellement réservé aux brahmanes.
Ces deux documents complémentaires nous font percevoir la force de l’appel ressenti par un être, qui de longue date semble mystérieusement dirigé, et l’intensité d’un engagement qui perdure depuis près de trente-cinq ans. Pour Jacques Vigne, qui préface le livre et intervient dans le film, ce témoignage reflète « la sincérité et l’intensité ». Sollicités pour le film, les parents de Jayramdas font part de leur incompréhension première, de la rupture avec leur fils puis de la relation renouée sur un autre mode. Quant à Jayramdas, il évoque avec une grande simplicité ses expériences spirituelles, les pratiques qui rythment son quotidien, la vie solitaire très intériorisée qu’il mène aux abords d’un village. II évoque encore le rapport au guru, les difficultés rencontrées au fil d’une existence vouée à la recherche de l’Absolu, dont il témoigne avec humilité et vigilance tout en attirant l’attention sur l’essentiel.
Revue Sources n° 8