L’arme de la candeur

Inclassable, porté par une écriture ciselée à la fois précise et sensible, légère et foisonnante, ce livre se tient entre poème en prose et essai poétique.

 

Il y a dans ces pages autant de rigueur que de grâce. Eve Lerner fait partie des auteurs qui ne peuvent séparer l’écriture de la pensée. Alors que « le présent a l’épaisseur du papier journal », elle nous dessille les yeux.

 

Par courts paragraphes qui se succèdent, elle éloigne passivité, résignation et conformisme, « le lent poison de la fausse parole allié à la cécité stupide qui attaque, harcèle, perfore, décompose, déracine, nous prive de sens ».

 

Mais quand bien même les verbes à l’impératif qui se succèdent se font incantatoires, il ne s’agit pas d’une injonction de plus à notre encontre, ni d’appel à un acte d’héroïsme.

 

Ouverte sur le souci des autres et du monde et donc de soi, l’auteur a l’art de mêler l’intime et l’impersonnel. Refusant de « surfer sur le chaos », d’accepter la débâcle, elle fait appel à la capacité d’émerveillement qui se tapit au fond de soi, la « pure énergie de l’enfant » qui est en nous.

 

Dans « l’ardeur brouillonne », elle laisse surgir le « désir de songe, l’étonnement d’un possible ». Car « cela fait une éternité que le jour attend ». L’éveil chemine en acceptant la brûlure du poème, en laissant « juste le poème s’embraser ».

 

Pour ne pas accepter l’inacceptable, faire taire l’immonde » et la barbarie, les mots se font récit initiatique et chemin de révolte et d’insoumission, d’humanité.

 

Sans assurance ni certitude, Eve Lerner clôt son ouvrage par des questions qui nous laissent, revigorés, à nos propres interrogations.

 

Marie-Josée Christien

ArMen n°222 janvier 2018