Le cœur brûlant et muet de la confiance questionnante

Dans ce voyage aux étapes successives, imprévues parfois, on croise le quotidien, on revoit et revisite des « monuments historiques » en ruines, ou plus ou moins bien restaurés…, on reprend souffle dans les hauts alpages des poètes et des mystiques et au détour d’un méandre, on est happé hors sentier, orienté vers un « point de vue », au double sens d’un point d’où l’œil découvre un panorama autre, autrement, plus avant, mais aussi au sens d’opinion librement avancée.

 

C’est un parcours que Gérard Bessière déploie en spirale, « un parcours autour de Dieu » (Rilke) par touches d’abord légères : souvenirs aux airs d’anecdotes, qui ont l’air de ne pas y « toucher », parce qu’il y a des zones où « toucher », justement, ça peut être trop sensible, ça peut même faire mal.

Alors il laisse une trace, un sillage, un caillou blanc, que l’on retrouvera un peu plus loin.

Il ouvre ainsi son livre par un souvenir d’enfance, une « leçon de choses » où il apprit la lutte de l’oxygène et du gaz carbonique pour la vie et la mort, quand la lumière de la bougie enfermée dans l’éprouvette vacille puis meurt.

Cette parabole d’école dit l’essentiel : la lumière vit d’être libre, elle meurt d’être confinée.

 

Leçon de choses fondatrice, elle a laissé son empreinte dans ce qui signe son écriture : le rôle de la phrase interrogative et de la phrase exclamative. Ainsi le questionnement et l’émerveillement sont-ils devenus l’étoffe vive de son rapport à la vie, au monde, à la religion, à Dieu.

Ils échancrent constamment le réel apparemment banal, ouvrent des passages depuis les sentiers herbeux jusqu’aux pierriers escarpés, là où le chemin se perd, où les appuis sont incertains, où la beauté fulgure.

 

Ainsi Gérard Bessière rejoint les mystiques – et les poètes – sur les sentiers d’indicible, de clair-obscur et les touches légères deviennent plus appuyées, explicites, percutantes, décapantes…

Il a plongé sa parole dans le silence et le courage de ses mots nus.

 

Il livre plus que jamais ses vibrations les plus intimes, le cœur brûlant et muet de sa confiance questionnante, obstinément, sereinement.

 

Thérèse M.