C’est l’histoire d’une jeune femme qui voit rouge.
Michèle est restée bloquée sur son adolescence.
Son enfance ne passe pas. A 16 ans, elle a quitté sa famille, sa mère hystérique, son père distant, son frère méchant.
Depuis dix ans, ponts coupés avec les siens, elle fait la route, se fait toute seule, sans rien devoir à personne.
Elle voyage d’une station balnéaire à l’autre, y occupe des emplois de serveuse, rumine sa rage, appelle sa mère au téléphone, de temps en temps.
Au début du roman, Michèle tue un homme dans une chambre d’hôtel. Elle règle ses comptes.
Mais à lire le récit, ce meurtre initial est comme oublié.
C’est toute la magie de cette histoire racontée à la première personne.
Elle suscite un pouvoir d’empathie profonde.
On y entend sans cesse la vibration du cœur : le style est net, sans pathos.
C’est l’inguérissable chant de l’enfant humiliée.
Celle que ses professeurs et ses parents ne comprennent pas, celle qui jamais ne joue le jeu qu’on attend d’elle, celle que les autres déçoivent sans cesse.
Comment de gamine en marge, on devient une ado marginale, c’est cette sorte de radicalisation qui est ici montrée. En même temps, ce qui fait le poids de l’histoire, c’est que la brusquerie de l’héroïne, l’intransigeance de la rebelle, est habitée par la sensibilité, la fragilité, au point que l’on se demande à un moment si la belle errante n’est pas à deux doigts de rendre les armes, de rentrer au bercail.
Michèle Astrud qui est enseignante à Rennes avait déjà montré dans son précédent roman, J’ai rêvé que j’étais un garçon, son aptitude à saisir la sensibilité des adolescents, le flux du trouble intérieur.
Avec ses mots justes, ce nouveau livre, dur et émouvant, est une belle réussite.
On espère qu’il permettra à Michèle Astrud, dont c’est le cinquième roman, de trouver le public et la consécration qu’elle mérite.
Georges Guitton