Métaphore du lien archaïque entre la mère et son nourrisson

On l’appelle le Bérot. Mais, pour sa mère, c’est Norbert.

Quand il a fini de soigner les cochons, il pêche ou braconne, histoire de lui rapporter de quoi manger.

À deux, ils vivent dans une caravane, au bord de la rivière. Ou plutôt survivent. « Bon à rien », disent certains. Les mots à l’intérieur le déchirent. Et de la violence qu’ils déchaînent, il ne sait que faire. Seule la mère, silencieuse, le protège du pire. Comme aux premiers jours de sa vie. Et l’arbre au vent qui chante dans les branches lui sert de refuge.

 

 

Loin du procédé, la phrase courte et précise de Marie-Hélène Bahain scande ces vies brutes gonflées de sensations, confrontées à la violence du réel intérieur et extérieur et ne ménageant que rarement quelques espaces de paix.

 

Comment vivre sans cette mère qui lui sert de rempart contre les pulsions qui l’assaillent ?

C’est de sa voix qu’il a besoin, de ses mots. Quand il commence à les entendre chanter à l’intérieur de lui, alors le poids du monde lui semble moins lourd.

Et ce secret, gardé comme un trésor, l’allège.

 

La force de ce roman tient à l’économie de sa forme.

Métaphore du lien archaïque entre la mère et son nourrisson, il semble esquisser le trajet d’une naissance tardive, naissance au langage intérieur donnant soudain la force, toujours mystérieuse, de supporter le monde.

 

Louise L. Lambrichs / VIENT DE PARAÎTRE n° 21 Juin 2005