S’appeler Le Bérot, imaginez un peu !

S’appeler Le Bérot, imaginez un peu !

A sa naissance c’était Norbert. Mais ce petit dernier d’une famille modeste marcha tard, parla tard et se nomma lui-même « Bérot ».

Pas malin, Le Bérot. D’ailleurs « t’es qu’un bon à rien », lui répète-t-on.

Par pure charité et contre un pécule dérisoire, donnez-lui une vigne à tailler : le saccage. Enfin, c’est ce qu’il faut lui dire au Bérot. Viré le gars et gardé l’argent…

Pourtant, lui, il sait ce que dit le vent et dans son arbre – car il a un arbre rien qu’à lui -, calé dans la fourche principale, il se fond dans la nature et la voix de la terre et les accords du ciel s’harmonisent en son cœur.

Et le cœur du Bérot s’apaise ; s’effacent les chagrins, et la vie – ce fait extraordinaire d’une présence au monde si fortuite et si éphémère – trouve son sens. C’est un peu comme quand le Bérot se laisse bercer par sa barque au fil de la rivière, mais en tellement mieux.

 

Mais il faut toujours revenir à la réalité. Norbert du ciel et de l’arbre, redescend pour soigner les cochons que lui a confiés Monsieur Guittoux, son gentil patron qui le laisse habiter avec sa mère dans une vieille caravane.

Avec sa mère, Norbert-Le Bérot vit dans une osmose primordiale un peu comme sur l’eau, beaucoup comme dans l’arbre. Tout va pour le mieux dans le moins bon des mondes.

Mais voilà, les gens normaux ont de grandes idées d’où jaillissent les nobles décisions.

C’est ainsi qu’André le frère aîné, exploitant agricole, s’avise que sa pauvre vieille mère serait mieux chez lui.

Au Bérot, la caravane pouilleuse ; à maman, la belle chambre…

Et Norbert, dans tout cela ? Comme si au royaume du paraître social, pouvait compter un pauvre type qui a du cœur mais pas de compte en banque.

 

Mais Norbert n’a pas dit son dernier mot…

 

Yannick PELLETIER / Ouest-France  7-8 mai 2005