Tout cela est beau, juste, source d’espoir.

Le livre de Jacques Delval ne correspond pas au « pacte autobiographique » défini par Philippe Lejeune puisque l’auteur, le narrateur et le héros ne se confondent pas.

 

Reste à tenir l’ouvrage pour un récit de fiction, tout en se doutant bien de son caractère autobiographique mêlant les séquences rétrospectives et les moments de réflexion actuels.

Les « sandales de Thérèse » sont celles de la carmélite de Lisieux : dernière image d’un film qui amène le personnage principal à s’interroger sur son départ du couvent et sur toute sa vie.

Pourquoi n’est-il pas resté « fidèle » à la voix, à la présence issues de l’enfance et qui l’avaient jadis suivi en Algérie ?

Cette voix était-elle née de ses désirs, de ses peurs, de ses générosités, des interdits intériorisés ?

Pourquoi fallait-il que le dieu tendre de sa mère et des jardins devienne le dieu rude et jaloux de l’entrée en religion, requérant une telle tension volontaire ?

Ne l’avait-il pas visité à deux reprises au noviciat — mais non plus aux études, où la distance s’est creusée ?

Avait-il risqué ou mimé la radicalité du don ?

Fallait-il passer, comme il le fit d’abord, par-dessus le soupçon d’illusion et de mensonge, les appels d’une vie plus simple et plus communément humaine ?

Mais n’était-ce pas la seule façon de garder le dieu ?

A-t-il connu aux études autre chose que l’expérience d’une fraternité exceptionnelle, et celle-ci devait-elle l’emporter sur le désir de plus en plus fort d’aimer. et d’être aimé ?

 

À la veille des voeux solennels, il choisit de ne reprendre qu’un engagement d’un an, hors couvent, afin d’y voir plus clair. Année incertaine, difficile — éclairée par un matin de Présence et un soir de prière au dieu « sans nom » —, jusqu’à un voyage en Espagne et à une rencontre heureuse mais brève. Le « dieu qui marche sur la terre des vivants », celui qu’il avait découvert et encore cherché (p. 33), celui qui l’attirait sans doute au temps du désarroi (p. 69), était, a-t-il cru, encore là devant lui (p. 146). Le récit s’arrêtera bientôt.

 

On ne racontera pas une autre rencontre, le mariage, tout ce que l’on devine en lisant les passages écrits au présent. Mais il suffit de savoir que grâce à l’écriture une évidence s’est peu à peu imposée :

 

« Une voix demeurait à l’affût dans son cœur, fulgurante, consolatrice ou silencieuse. Était-ce un dieu qui parlait ? Le dieu des jardins et des arbres, dieu de tendresse et de pitié, le dieu de son enfance qui ne l’avait jamais quitté. Aujourd’hui, il pouvait l’écouter et lui répondre » (p. 157).

 

Tout cela est beau, juste, source d’espoir.

 

Jean-Pierre Jossua / Bulletin de Théologie Littéraire – avril 2001