Voilà trois ans, Marie-Hélène Bahain publiait un très beau récit chez Diabase : « La trouée bleue ». Elle confirme ses talents d’écrivain avec ce nouveau livre.
Son héroïne, Evelyne Norlain, est une femme simple, fragile, portée sur la boisson, et qui laisse facilement les hommes profiter d’elle. Mais si elle est limitée intellectuellement, Evelyne est une femme au grand coeur, pour qui sa petite fille, Angélique, qu’elle appelle Lili, une enfant solitaire et sauvage, est toute sa vie.
Sa vie ? Un vrai chemin de croix, marqué par le placement d’office de ses trois autres enfants, le départ de son compagnon, qui ne supportait pas les pleurs de Lili… Une vie, surtout, qui a été saccagée lorsqu’Evelyne était enfant, dans des circonstances que le lecteur découvrira à la fin du livre.
Marie-Hélène Bahain a créé un personnage douloureux, entouré d’êtres frustres, égoïstes, insensibles, une femme qui, malgré ses faiblesses, aime, voudrait aimer. et construire une existence. Le récit de sa vie est une suite d’accidents et de drames dont elle cherchera à mettre fin en se laissant glisser dans la rivière qui passe près de chez elle.
L’auteur a-t-elle forcé un peu trop le trait dans le misérabilisme. ? On peut en débattre. Les malheurs qui accablent l’héroïne semblent presque trop nombreux pour un livre aussi bref.
En tout cas, on a affaire ici à un cas social décrit avec beaucoup de vérité et de sensibilité. Dans « Ruissellements », Marie-Hélène Bahain a su créer une ambiance sombre et noire, trouver les mots appropriés, écrire des dialogues qui sonnent juste, pour que le lecteur entre en sympathie avec l’héroïne :
« Je dois emmener Lili à l’école. L’année passée, elle prenait le car, mais je n’ai pas payé le mois de juin. Cette année, je la conduirai à vélo. Elle n’est pas bien lourde, ma petite Lili, elle peut encore aller dans le panier sur le porte-bagages. J’irai le matin, je retournerai le soir. »
Yves Loisel / Le Télégramme – 11 avril 2004