Qui était vraiment Jean Follain ?
Dans un brillant essai, Janine Mesnildrey invite à mieux connaître l’œuvre et la personnalité du grand poète normand.
L’autrice, originaire de Saint-Lô près de Canisy où est né Jean Follain, nous parle d’un « poète des chemins de l’ombre, un poète de la mesure et de prudence, de la bienveillance et de finesse en toute chose ». Quelqu’un qui eut l’art de « faire parler tout ce qui ne parle pas ».
Jean Follain (1903 – 1971) n’est guère mis aujourd’hui sur le devant de la scène. Et pourtant que ne nous apprend-il pas sur nous-mêmes et, à quelques décennies de distance, sur notre époque si tourmentée ?
Jean Follain fait sans doute partie de ces auteurs, à l’image par exemple de Charles-Ferdinand Ramuz, dont « le progrès de la technologie vient heurter son monde d’élection », comme l’écrit Janine Mesnildrey.
Pour autant, il n’est pas question de voir en lui un auteur passéiste. Follain, c’est d’abord, « l’art de faire porter aux choses modestes le tragique de la vie ». Il y a, nous dit l’essayiste, « cette folie de Follain de vouloir tout sauver par l’écriture ! Le plus fragile, le plus menacé, le plus invisible à force d’usage. Les herbes folles, les plus petits insectes, le bruit fin des râteaux, celui d’une pomme qui tombe ».
Évoquer sa poésie, c’est parler de son immersion dans le nature (la pluie et les nuages d’une météo changeante), c’est parler des petites gens qu’il met en scène, des servantes de fermes (« petites madones de l’aube »), c’est beaucoup parler des femmes, de leur vie dure, mais aussi de leur beauté, et, à travers elles, de « la sensualité des choses vécues ». Janine Mesnildrey note à plusieurs reprises l’attrait de Follain pour les femmes mais aussi « son incapacité à tomber amoureux ».
L’homme est solitaire. Une solitude qu’il « aime » et « protège ». Elle masque un certain mal-être. Janine Mesnildrey rapporte ainsi des propos tenus par Jean Follain sur France Culture : « C’est pour se délivrer dans une certaine mesure de certaines angoisses que la poésie s’écrit ».
Guillevic, qui fut l’ami du poète normand, l’avait bien cerné. « Pour Follain, écrit-il, tout porte la marque d’absence d’éternité. Une absence qui lui est cause de souffrance, comme l’infini qui l’effraie, l’angoisse ». Janine Mesnildrey souligne, pour sa part, que pour Follain la seule transcendance était « le monde d’en bas ». Ce qui n’empêche pas de parler, à son propos, d’une forme de « mysticisme païen ».
L’autrice raconte dans son livre qu’elle reçut, à un moment de sa vie, les poèmes de Follain « comme des coups de gong ». À la lecture de L’usage du temps, elle vit changer son rapport à la poésie qui souvent la laissait sur sa faim car elle mettait « la barre trop haut » et la désespérait par son « manque d’élan ».
Avec Follain elle découvrit une poésie « qui touche au cœur quand elle délivre en même temps que l’inquiétude, son remède ». Son essai, superbement écrit et plein de ferveur, est là pour nous l’attester.
Pierre Tanguy
http://www.dessourcesetdeslivres.fr/Lectures_PTanguy.html#Ancre_Mesnildrey-Follain