Ce roman est le troisième ouvrage de M. H. Bahain publié par Diabase. C’est dire si cet éditeur croit en elle. D’ailleurs en jetant un coup d’oeil à la production de Diabase, on s’aperçoit que cette politique éditoriale s’applique à l’ensemble des auteurs (dont Hervé Carn, F.J. Ossang) de la maison. Eviter l’éparpillement, telle semble être la stratégie choisie.
Ruissellements : Evelyne raconte : évidemment au début, il y a la pluie qui tombe. Evelyne est sale. Sa petite dernière, Lili, est sale. Ses autres enfants étaient sales. Maintenant, ils sont en foyer d’accueil. Sa maison est sale dehors et sale dedans. Evelyne aussi est sale dehors et sale dedans. Evelyne est une misérable : misère rurale, misère dedans et dehors.
Les autres (la directrice et les enfants de l’école par ex.) sont terrifiants d’être trop propres. Comme les vitres transparentes. Dans un monde qui n’est que saletés, d’où ne surgissent que des ennemis il n’y a que Lili et Sacajou, le chien qui soient propres, purs.
Ce livre raconte le combat désespéré de cette femme pour gagner, pour sa Lili et pour elle, « un espace clair », mais elle est si maladroite en l’amour, elle part de si bas, elle vient d’une douleur si profonde, elle est si faible, sa chair est si faible, elle est si seule contre un monde ennemi, hydre qui, chaque fois qu’elle en tranche une des têtes, une nouvelle surgit sous une forme plus terrifiante encore.
M. H. Bahain a écrit un livre âpre, sans sentimentalisme gnan-gnan, un livre de l’horreur ordinaire en martelant toujours les mots, en reprenant ses phrases, presque en bégayant de douleur, d’écoeurement comme cette guerre sans nom qui ronge Evelyne.
Livre éprouvant avec de brefs instants de répit : quand Evelyne fusionne avec Lili, quand elle fusionne avec la rivière, mêle sa chair à l’herbe, à la terre boueuse ou quand Lili réinvente la vie dans sa cabane
« Lili, maintenant, fait de la musique pour distraire ses enfants, ils ont été tellement sages, ils ont bien mangé, bien dormi, ils ne l’ont pas dérangée cette nuit. Noémie (la poupée) aime la musique. Elle dit que c’est un grand et beau rêve où elle peut aller quand elle veut ».
Christian Degoutte / VERSO terre et corps 117