Un livre fort, grave et tendre.

La guerre 39/40. Une « drôle de guerre » où les nerfs s’épuisent dans l’attente et la promiscuité.

Pour ce deuxième roman, après Le ciel de Birkenau, Isabelle Blondet-Hamon choisit de s’attacher au destin de Lucien, un jeune venu d’un village calme et tranquille de la France profonde.

Elle nous fait partager en une sorte de rêve éveillé les pensées intimes de cet homme plongé brutalement dans la guerre. Parti en emportant son violon.

Lorsque les ordres aboyés se taisent, Lucien songe à son père et à l’affaire d’horlogerie qu’il doit reprendre, après, quand la guerre sera finie, songe à la voix cristalline de Berthe, une ravissante jeune femme devenue sa femme au printemps dernier, à Petit Pierrot leur enfant tout juste né, qu’il a à peine tenu dans ses bras, songe à sa passion pour la musique.

 

Au milieu des cris, des rires gras, du bourdonnement d’hélices d’avions, des déflagrations de bombes au loin, il arrive que Lucien sorte son violon et joue. Joue, rêve et décide. Décide qu’il ne sera pas horloger, qu’il ne délaissera pas sa passion pour la musique.

 

Et ce bref roman aux phrases syncopées, au flux tendu sur une volonté de vie, où les bruits s’attardent, sourds et étouffés puis lourds et violents, fait tout du long vibrer silencieusement une question qui s’obstine : Lucien reviendra-t-il ?

 

Avec une écriture sensible, évocatrice et précise, accrochée aux corps, aux odeurs et aux sons, Isabelle Blondet-Hamon réussit, en à peine cent pages, sans pathos et de l’intérieur, à faire surgir l’étouffement de la guerre, son étrangeté, son absurdité, et à transformer cet écho si lointain en une résonance proche. Et nous réserve, pour la fin du récit, la surprise d’une transmission…

 

Un livre fort, grave et tendre.

 

Cypris Kophidès