Un nouveau regard porté aux racines les plus souterraines de l’humain

Pourquoi après les quatre cents pages foisonnantes du Voyage du Dité, ce Mahu de cent pages ?

Pourquoi cette écriture au scalpel, épurée, dégraissée et pourtant d’une sensualité et d’une efficacité démonstrative incomparables ?

Les textes de Bruno Edmond se situent toujours précisément là où le langage se dérobe.

Il n’est pas seulement fondé à le faire, il en a le rare talent.

 

Son dernier livre Mahu est un nouveau regard porté aux racines les plus souterraines de l’humain.

L’originalité et la force de ce regard tiennent à ce qu’il n’est ni celui d’un clinicien, ni celui d’un anthropologue, que le discours n’est pas celui d’un philosophe et se démarque d’une expression purement poétique que Bruno Edmond peut cultiver ailleurs ; ce regard, cette langue cherchent chez le lecteur l’écho d’une humanité primale, à l’aube de toute parole, en-deçà du bien et du mal.

 

Mi animal, mi humain, chiffonnier emmitouflé dans ses hardes, sans-abri, voleur de poules, sans âge, sans autre langage que des cris capables de tuer, poussé par la faim et le froid, Mahu bouscule de sa stature grotesque ce récit faussement distancié. Et sous sa démarche pesante, giclent des images fulgurantes et inattendues comme celle de Nietzsche étreignant un cheval battu avant d’être interné chez les fous.

 

Bruno Edmond, dans Mahu, plus calmement, plus sereinement encore que dans ses précédents textes, interroge la folie de l’intérieur, pas la folie des fous, plutôt celle du monde.

Il nous demande pourquoi les choses existent plus que les êtres. Le sait- il lui-même ?

Il nous demande qui vit à l’intérieur des ombres. Il a au moins le mérite de poser les vraies questions.

Mais ce n’est pas un donneur de leçon. Enfin, si, un peu quand même : par exemple quand il nous demande : – Enfants qu’y-a-t-il dans le noir ? Il répond : – La bête.

 

Il y a chez Bruno Edmond une force, une nécessité, qui le poussent à construire lentement, hors des modes et des circuits, avec toute la circonspection d’un alchimiste qui pèse chaque mot, une œuvre dont je ne suis pas certain que notre siècle saura reconnaître l’importance mais dont je ne connais pas de lecteurs qui n’en aient été profondément marqués.

 

Bernard Péchon Pignero  in « Reflets du Temps »

http://www.refletsdutemps.fr/index.php/thematiques/culture/litterature/item/mahu