Un récit-fable qui est aussi un traité de sagesse

Vingt-Deux petits soleils, une enfance de Chiron : Voici donc un roman à déguster.

 

On n’en vide pas la coupe d’un seul élan. On le lit gorgée par gorgée, et entre chaque on prend le temps de le savourer. Arrière, lecteur pressé.

 

En ouverture, un paysage à fuir pour Kima : longue fuite pour une longue recherche un peu comme dans le film « Le regard d’Ulysse ». Puis une vague d’un lyrisme épuré qui s’empare des mots pour emperler le récit et le discours qui s’ébroue en parler vernaculaire ou cru quand il convient.

Tout cela porte un récit-fable qui est aussi un traité de sagesse où l’expérience concrète nourrit d’humanité les maximes et les adages. Plus Sénèque qu’Epictète. Mais le sérieux se fait bousculer par l’humour : Platon aimerait dire son mot, mais Aristophane vient faire rigoler tout le monde, personnages et lecteur.

 

Les premiers chapitres s’ouvrent sur un monde évoquant les étapes des « Séries du Barzaz Breiz ». Après tout, Xavier Grall avait mis en exergue à son Rituel breton, « Pour Ulysse, s’il revient en Armorique ». Il est revenu, le héros aux mille ruses et la moindre de celle-ci n’est pas d’avoir la forme de Cypris, pas celle de l’île des roses, mais l’actuelle, l’écrivain, Cypris Kophidès.

Il est vrai que le jeune Kima n’est pas tout à fait non plus ce qu’il croit, qu’on croit. Que, qui faut-il croire ? Trompeuses apparences de tout, comme la flèche qui vibre, vole et ne vole pas. Tout coule, Kima ne se baignera jamais deux fois dans le même fleuve. Et le moindre ru ou le plus puissant torrent n’existent que dans leur échappée.

 

« Mais il y a ».

Il y a ceux qui acceptent l’humain, qui refusent de devenir des forts, des sûrs d’eux et de tout, qui rendent à la nymphe son cadeau d’immortalité. Il y a ceux qu’enchantent le multiple, le divers, l’incertitude et qui savent que la lumière tremblante des beaux soirs dit l’inquiétude que le jour ne revienne pas. Il y a ceux pour qui le respect reste l’art suprême d’être aux autres et au monde.

 

Ce livre est un trésor, comme l’onde pure d’une source à l’ombre d’un olivier.

 

Le pâtre et le héros s’y abreuvent. Qu’ils s’y retrouvent, heureux de leurs différences qui sont la vérité et l’essence de l’unité humaine, que leur « philadelphie » leur rappelle que « la perfection n’est pas une conclusion ».

 

Tiens donc, Chiron aurait-il été un peu cousin de Confucius ?

 

Yannick Pelletier