Un roman à l’eau de vie

Une situation triviale si elle ne s’avérait pathétique.

L’homme mûr en proie au démon de midi, l’épouse répudiée et rétive, la jeune aimée adulée mais phtisique.

Oui, mais un grand homme, Auguste Comte en personne, le philosophe, le père du positivisme (doctrine sociétale prépondérante du XIXe siècle en France, basée sur le progrès du savoir), mais quelque peu atteint de crise de folie sous-jacente (NG : non guérie) qui n’exclut pas le génie !

Oui, mais deux figures de femmes vibrantes autour de lui, à la rivalité complexe : Caroline Massin, Mme Comte, une ancienne grisette cultivée, rebelle mais dévouée, taxée de virago vipérine ; Clotilde de Vaux, mal mariée abandonnée, à la santé contemplative, égérie du penseur en passe grâce à elle de transformer sa réforme de l’humanité en religion d’amour, avec l’idéal féminin pour cime.

 

Un trajet haletant parisien concentre l’intrigue. Venue dans son ancienne maisonnée, rue Monsieur-le-Prince, pour réclamer sa pension, Caroline en repart, vu le désespoir d’Auguste, direction rue Payenne chez Clotilde, qui se contenterait d’un amour courtois, pour plaider paradoxalement sa cause.

Auguste affolé se lance à sa poursuite. Flash-back et monologue en forge l’intense trame, avec introduction du disciple Émile Littré en confident ambivalent.

 

Philosophe, écrivaine, Elisabeth Laureau-Daull a plus d’une corde à son arc pour sonder au scalpel la condition humaine.

Et n’a pas son pareil pour se glisser dans la peau des femmes de notables philosophes Marx, Socrate… exacerbant la réalité d’une biographie dans un ressort fictionnel qui en démultiplie l’exactitude et en cible une pierre d’angle.

 

Un dénouement bouleversant attend qui se sera pris au jeu subtil de ce marathon narratif qui, loin de se cantonner à un roman à l’eau de rose, aboutit à un roman à l’eau de vie.

 

Mireille P

 

Elisabeth Laureau-Daull a enseigné les lettres et la philosophie. Auteure de romans, d’essais et d’ouvrages pour la jeunesse, elle a publié en 2018, aux éditions Diabase, Et l’ombre s’est épaissie, en 2017 La Jument de Socrate, aux éditions du Sonneur.