Une Géniale variation romanesque sur le conte du Graal

Perceval est parmi nous

 

Sur une place de Lisbonne, des éclats de voix sortent d’une maison.

Un homme hurle sur un adolescent, le traitant de bon à rien.

Le garçon lui rétorque qu’il ne veut pas devenir vendeur de W.C. comme lui.

Les noms d’oiseaux fusent au milieu de considérations sur l’utilité des sanitaires.

La mère de l’enfant intervient et morigène doucement son fils.

Il s’en va se promener avec son chien sur les bords du Tage.

Surgit alors un jeune homme blond à l’armure étincelante.

Le soir, le garçon interroge sa mère sur cette apparition.

«  Ce devait être un ange, mon fils », dit-elle sans s’émouvoir.

En réalité, le beau jeune homme est un chevalier, venu du Moyen-âge pour aider l’adolescent à trouver le chemin de sa destinée.

Le garçon savait en effet qu’il ne voulait pas être comme ses parents mais, muré dans son opposition, n’avait pas songé à ce qu’il allait faire de sa vie.

Le voilà à la cour d’un roi où l’occasion lui est donnée de faire preuve de bravoure.

Là, une demoiselle dont il tombe amoureux lui enseigne les règles de la chevalerie et l’engage à devenir un homme avant de lui revenir.

 

Un mille-feuille de mondes

 

Plusieurs époques communiquent dans cette géniale variation sur le conte du Graal. Comme l’explique en prologue un vieux sage, c’est ici et maintenant que chacun est invité à découvrir le Mystère, mais ce présent est enchâssé dans un mille-feuille de mondes évoluant dans une autre dimension du temps.

 

Eugène Green a composé une époustouflante comédie initiatique qui réconcilie ce qu’on juge d’ordinaire incompatible : l’humour avec le sublime, l’ironie avec la profondeur, la rigueur stylistique et une fantaisie débridée, des situations burlesques et des scènes mystiques. Le garçon découvre bientôt son nom, Perceval. Il a rendez-vous avec le roi pêcheur au-dessus d’une boîte de nuit où les déhanchements d’une jeune fille manquent de lui faire oublier sa quête…

 

Le récit des épreuves, échecs et victoires que traverse Perceval n’est jamais fastidieux. Pendant un temps, il chemine avec un chevalier français, le personnage le plus drôle du roman. Parmi les rencontres qu’ils font sur leur route, citons ce couple de philosophes allongé dans un pré qui fait l’amour depuis des siècles et s’ennuie à mourir mais ne veut s’arrêter tant qu’il n’aura pas atteint le 7ème ciel, ni même s’interrompre parce qu’ils ne peuvent renoncer à leur liberté de jouir.

 

Arrive l’heure du combat. Les forces en présence sont inégales.

 

«  Tout est possible avec la grâce », dit une dame à Perceval.

«  Nous n’avons que l’espérance, madame, car la grâce est un mystère ».

 

Magnifique.

 

Astrid de Larminat /  Le Figaro Littéraire 20 mars 2014