Une langue qui se désaltère à l’eau salée de la mer d’Iroise

Lecteur, si tu n’apprécies ni la pluie ni le vent ni la solitude volontaire, eh bien, passe ton chemin !

La lecture à laquelle nous invite Anne-José Lemonnier s’adresse aux amoureux des paysages âpres, infinis et finistériens.

Ici, les toponymes deviennent musique de chambre dans les mains expertes et l’imaginaire aussi savant qu’éclatant de Mathurin Ebrel.

Ce personnage énigmatique, talentueux s’il en est, mais auguste inconnu, perdu sur les falaises du Cap de la chèvre, c’est le promeneur solitaire de Crozon. Promeneur à la fois figure universelle et solitaire.

Parce qu’Anne-José aime jouer de l’oxymore comme Mathurin de l’archet du violoncelle. Universel destin. Seul. En marchant, il compose ses symphonies à jamais muettes aux oreilles des mortels que nous sommes.

Pourtant, sans aucun doute l’avons-nous rencontré Mathurin, par un jour sans éclat, sur le chemin des douaniers. Son Mathurin nous rappelle, d’une certaine manière, les personnages de Chevillard. En plus sérieux, certainement.

« Le don de la clarté », qui s’ajoute au « champ de la musique », pour Mathurin et Anne-José, ces randonnées rituelles, sont le don de la langue pour les lecteurs. Une incitation magique à marcher sur les traces de Vinteuil, aussi.

On découvrira une langue qui se désaltère à l’eau salée de la mer d’Iroise.

Une écriture exigeante, il a été dit, requérant de son lecteur son attentive application.

Il découvrira alors, au détour d’une phrase, « la vibration des couleurs » au rythme régulier de la musique des saisons.

 

Jean-Marc Collet