Une vision de l’homme ordinaire

Il y a quarante ans disparaissait l’écrivain Georges Perros. Lecteur chez Gallimard, Parisien d’origine mais naturalisé Douarneniste, l’homme a toujours suscité à la fois intérêt et curiosité. Le poète breton Gérard le Gouic nous livre aujourd’hui son sentiment dans un petit livre intitulé « Au pays de Georges Perros ».

 

La « légende » de Perros, l’auteur fameux des Papiers collés et d’Une vie ordinaire, c’est l’écrivain vivant chichement, logeant en HLM, chevauchant une moto, fréquentant les bistrots du port, et même chroniquant des matches de football de la Stella Maris de Douarnenez.

 

Gérard Le Gouic ne manque pas d’évoquer toutes ces facettes de l’écrivain mais il s’attache surtout à montrer les liens qu’il avait tissés au fil des ans avec le célèbre écrivain.

 

Treize années séparent les deux hommes (Perros est né en 1923) et Le Gouic est âgé d’une petite trentaine d’années quand s’amorce, en 1969, leur relation. Il admire l’auteur des Poèmes bleus et souhaite le rencontrer. Il fait chou blanc en se rendant à Douarnenez  mais laisse sur place l’adresse de son magasin place Saint-Corentin à Quimper (Le Gouic tenait une boutique de faïences et souvenirs bretons). C’est dans l’antre du poète quimpérois que leur première rencontre eut lieu. Georges Perros lui annonça, à cette occasion, avoir fait une note favorable à l’édition d’un manuscrit que Le Gouic avait adressé à Gallimard.

 

Gérard Le Gouic déroule au fil des pages (avec la plume acide qu’on lui connaît parfois)  une série d’anecdotes, très parlantes, sur les relations que les deux hommes ont entretenues pendant neuf ans. « Je ne m’annonçais jamais à l’avance, raconte le poète, Georges était aussi un homme de passage et considérait de même nature ses visiteurs ». Il ajoute : « Georges n’était pas du genre copain ».

Il y eut toujours entre eux un vouvoiement de rigueur. Le Gouic établit, à ce propos, un parallèle avec Henri Thomas, cet important écrivain qu’il a aussi beaucoup fréquenté.

 

« Thomas se montrait plus attentif à mes propos, je les exprimais du moins avec plus de liberté qu’aux côtés de Georges Perros, le sphinx ».

 

Nous voilà bien loin d’une admiration béate pour l’écrivain douarneniste même si Le Gouic reconnaît, bien volontiers, que Perros a été une des « grandes chances littéraires » de sa vie.

Plutôt que d’en livrer les raisons profondes,  il s’attache à donner sa « vision de l’homme ordinaire » qu’il a fréquenté  pendant près de dix ans, au risque d’agacer les « perrosiens » purs et durs qui ont statufié l’homme à l’ardoise magique  (quand le cancer l’eut contraint à utiliser ce moyen d’expression).

 

Perrosien à sa manière, Gérard Le Gouic se trouvait en tout cas ce 27 janvier 1978, sous la pluie et la tempête, à Douarnenez pour assister à l’inhumation de Perros dans le cimetière marin de Tréboul.

C’est la séquence qui ouvre le livre. Il y avait là les fidèles : Grall et quelques autres.

 

Pierre  TANGUY – BRETAGNE ACTUELLE 17/10/2018