AMOUR ET PEUR DE MALLARMÉ
130 × 200 mm, 96 pages
978-2-911438-04-3
12,00 €
Avec Amour et Peur de Mallarmé, Patrick Mouze nous place devant un objet littéraire intrigant. En 1867, de Besançon, Jean, employé chez le photographe Lumière, envoie des lettres désespérées à une certaine Olga qui l’a quitté brusquement ; il raconte notamment sa rencontre avec Mallarmé. Après un long silence, en 1898, il la retrouve à Paris dans l’entourage du Prince des Poètes. A l’insu de celui-ci, ils se voient confier une étrange mission, à Vienne, auprès d’un psychiatre décrié et, à Londres, chez un détective déjà renommé…
Ce « Jean Le Baptisé » qui pour elle a perdu la tête, évoque dans sa seconde lettre « un jeune père barbu tout de noir vêtu, l’air absent, ou plutôt égare… » qu’il croise dans un jardin public. Cet homme, on le retrouve « plus blême que jamais.. à l’élocution embarrassée » mais un peu plus tard « ses idées fusaient comme des étoiles filantes ou apparaissaient comme des constellations fugitives à peine reconnues aussitôt qu’évanouies… »
Voilà Monsieur Mallarmé, le troisième personnage, dont le rôle dans l’intrigue va se déplacer au point de devenir central. L’honnête homme, la femme et le génie vont tirer les fils d’un dédale relationnel dans lequel Patrick Mouze se plait à convoquer « ce bon Monsieur Charles Cros », Des Essarts, Augusta Holmès, Mery Laurent, Catulle Mendès, Eugène Lefébure, Henri Cazalis, Auguste Lumière et ses fils Auguste et Louis, Nadar… et à évoquer les jeudis de Monsieur Verlaine, les dimanches de chez Monsieur Huysmans, les vendredis de Nina de Villars et les jeudis de… Mallarmé.
Ce beau monde n’est pas étranger à la séduction qu’opère la lecture de ces lettres à Olga. Patrick Mouze entremêle finement vérité et fiction, faits authentiques et hypothèses imaginaires. Dans cet univers de « sournoiseries et de manigances », de « cachotteries et d’impasses », vont intervenir un certain Holmès, un certain Watson et un certain disciple de Charcot qui fait des merveilles à Vienne !
Finalement, c’est « Jean sans nom » qui se révèlera le mieux placé pour mener à son terme l’enquête sur ce « crime parfait », jusqu’à la mort de Mallarmé, jusqu‘à l’effacement d’Olga.
Amour et Peur de Mallarmé s’inscrit sur l’absence de la femme, sur le Rien du poète. La première est allégorie du second : Olga et sa « froideur glaciale », le poème comme un « mystère dont le lecteur doit chercher la clé ».
«Il comptait sur vos dérobades successives pour entretenir dérisoirement le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui. Bref pour vivre une expérience idéale avec un rêve qui l’empêchait de passer à l’acte ».
Par un ton particulier fait de désinvolture et de précision pour traquer les indices et suivre l’analyse des engrenages de «cette histoire grotesque et sérieuse », Patrick Mouze brouille les repères entre le vrai, le possible et l’apocryphe. Le dosage de l’expression nous est livré par jean au détour d’une page : « que de l’humour; un peu d’ironie parfois, et souvent de la tendresse ».
Cypris Kophidès