LE DIEU VAGABOND

Annaig RENAULT
paru le 06/05/2010

120 × 190 mm, 192 pages
978-2-911438-69-1

16,00 €

C’est un conteur qui à la première page a pris la parole pour nous dire l’histoire de la vie d’Avel, le plus petit prophète qui eût jamais existé. Avel, jeune berger, devient prophète dans la simplicité d’un appel intérieur auquel il consent mais non sans renâcler ni débattre avec Dieu. Pourquoi lui ? Il n’est pas le meilleur pour ce « travail » et Dieu aurait bien pu choisir un camarade plus érudit, ou tel autre plus expérimenté !

 

Et le lecteur suit Avel dans son long périple, de la solitaire marche dans le désert à la présence bouleversante de la mer, de l’entrée dans une ville industrieuse au chaos d’une guerre, de la rencontre de Moshe, l’homme d’affaires satisfait, à Joseph le charpentier torturé de remords.

 

Avel a « l’oreille du cœur » et à qui l’interroge, il s’étonne de répondre avec assurance. Lorsque l’échange se termine, il ne se souvient pas des paroles qu’il a prononcées. Grâce de l’oubli, le prophète est nu. Après, il part, il repart toujours, la route l’appelle… Il se prend même un jour à penser que seule la marche peut rendre humain. Dès qu’on s’enracinait quelque part, il devenait difficile de le rester. »

 

L’une des forces du récit d’Annaig Renault est de montrer l’endroit – la vie donnée, le dévouement total, la fermeté – mais aussi de nous découvrir l’envers, non le prophète en sa gloire, mais dans sa proximité humaine. Il nous ressemble comme un frère cet Avel qui, mille ans avant notre ère, pleure, rit, crie, se révolte, rumine, ronchonne, boude, rêve… et accomplit son « métier » : « Le prophète est là pour réveiller la mémoire de chacun et susciter des questions, pas pour donner des recettes. »

 

Avec simplicité et humour, le conteur nous le rend présent, là, à nos côtés dans son étoffe d’homme fort et défaillant tout à la fois, avec ses interrogations sur l’Eternel et le doute sur le bien fondé de son choix, avec ses élans du cœur pour Sarah à l’irrésistible beauté et l’esprit d’enfance qui lui permet de s’abandonner à parler à un fennec…

 

Présent aussi car l’auteure utilise parfois un langage nettement contemporain ! « Il savait que l’Eternel porte tout être humain en son cœur. Les pauvres, les riches, les bruns, les gens de toutes nations, les rockers et les marins pêcheurs. »

 

Parsemé de petits dialogues savoureux, ce récit donne à entendre une réflexion toujours actuelle. A l’interlocuteur qui lui affirme : « Tu ne me feras jamais croire à la générosité gratuite. Ce n’est pas humain. », Avel répond : « Et si c’était justement ça, être humain ».

 

De rencontre en méditation, lui vient à l’esprit que « L’association des mots « vagabond » et « Dieu » était intéressante. Un Dieu qui ne serait jamais là où on l’attend, qui se refuserait à avoir un lieu déterminé, un peuple dans lequel il devrait résider à tout jamais. Oui, un Dieu infiniment libre de circuler et qui aimerait autant les clochards que les riches… Un aventurier… »

 

Avel, le porteur du Verbe, qui a « obéi aux certitudes qui étaient montées en lui, malgré lui » peut s’effacer dans la nuit… Le conteur, porteur d’histoires, s’efface aussi. Demeure la parole créatrice de vie.

 

Cypris Kophidès

RENAULT Annaig