GRAND QUAI

Anne POLLIER
paru le 03/05/2007

130 × 200 mm, 160 pages
978-2-911438-46-2

16,00 €

Cathie se prépare pour sa Première communion. Elle est seule. Soudain la porte s’ouvre et pénètre un jeune homme poursuivi par la police. Cathie cache le fugitif dans le grenier…

 

Deux jours, deux jours seulement – la veille et le jour de sa Première communion – suffisent à un renversement du monde : le mystère de la beauté, la consternation douloureuse face à l’instinct animal, la confiance trahie, le rendez-vous manqué, la solitude des décisions, la sensation troublante d’une joue d’homme contre sa joue, tout se mêle, s’entremêle et se découvre sous son regard ouvert dans la promesse de ce qui doit être le plus beau jour de sa vie.

 

«  Pourquoi fallait-il que les gens soient si étranges, que l’on ne pût les aimer ou les détester une fois pour toutes ? Les gens étaient pleins de contradictions et les sentiments qu’ils vous inspiraient, eux aussi, contradictoires.

 

A travers divers portraits – la mère toute de bonté et de courage, le père bourru et distrait, le prêtre méditatif et exigeant, dostoïevskien dans ses interrogations, le médecin jouisseur et manipulateur, les prostituées gentilles et naïves, la jeune femme seule qui pour travailler cache son bébé dans un réduit, et bien d’autres personnages encore – Anne Pollier a su remarquablement faire vivre l’atmosphère d’un quartier populaire dans un port de la France des années cinquante.

 

L’évocation de Cathie rendant visite à Raphaëlle, une très jeune métisse qui vient d’accoucher, a la puissance et le contraste d’une image onirique : fine et blanche silhouette, au voile marial de communiante, qui traverse une rue grouillante d’enfants, aux façades des maisons fendues de longues crevasses, (…) sales et puantes, dans la rue des dancings à nègres et des maisons closes.

 

Devant la jeune mère et son bébé, Cathy « ne savait pas pourquoi Raphaëlle la fascinait. Cela tenait à tout un ensemble : (…), à ce qui rayonnait d’elle sans qu’on pût jamais le définir. A force de la regarder, quelquefois Cathie se sentait le cœur serré et s’étonnait, ne sachant pas encore que toute beauté est poignante. »

 

Et ce roman se lit également au présent de l’éternelle confrontation de la sensibilité de l’enfance aux ambiguïtés de l’adulte et de l’initiation jamais terminée à la complexité du monde. « Dans la réalité pour moi, la fin de mes bonheurs d’enfant pauvre, enchantée » se souvient Anne Pollier en parlant de sa Première communion, dans une lettre à Hervé Jaouen.

 

La parution de leur correspondance* est d’ailleurs tout à fait précieuse pour éclairer le contexte de l’écriture de ce texte, « un récit authentique, celui de mon enfance on ne peut plus populaire ».

 

La force suggestive des ambiances n’est sans doute pas étrangère à ce qu’elle confie dans une autre lettre : «  J’avais été cette gamine immergée dans un petit peuple d’ouvriers du port, de serveuses de bars, de putains, ce que je disais des gens, je l’avais vu, entendu, vécu (rapporté avec le minimum de fable, d’organisation d’un récit). Elle rapporte plus loin : Même dans le milieu des putes que j’ai décrit dans Grand Quai, bizarrement pas d’argot. (…) En tout cas, celles-là (les filles) étaient sentimentales. C’est à quinze ans par l’une d’elles, que j’ai connu le touchant « Raphaël » de Lamartine, et quelle émotion quand elles chantaient « « Les papillons de nuit » ! On n’habite – n’habitait – pas près de la rue des Galions, au Havre, sans pénétrer un peu ce milieu-là.

 

L’auteure disait de Grand Quai qu’il était « un peu (son) livre fétiche ». De fait, l’histoire condense tous les éléments de son univers romanesque à travers le regard neuf d’une toute jeune fille et «  l’un des dons majeurs d’Anne Pollier comme le souligne Dominique Aury est de douer ses créatures d’une vertu de présence indubitable en un récit ramassé, au rythme rapide, mais non point artificiellement hâté. Aucun pittoresque extérieur dans son œuvre, mais une ressemblance, une vérité que seuls peuvent rejoindre un regard lucide uni à la tendresse du cœur. »

 

 Cypris Kophidès

 

* Lettres de Groix et d’ailleurs Anne Pollier / Hervé Jaouen 1986-1993 – Editions Diabase, 2007.

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