LES 59 JOURS

F.J. OSSANG
paru le 03/09/1999

130 × 200 mm, 144 pages
978-2-911438-05-1

15,00 €

Un 18 octobre à 13 heures, F.J. OSSANG décolle pour l’Amérique du Sud : Les 59 jours commencent.

 

Du Chili, de la Bolivie, du Pérou ou de la Colombie, nous n’ignorerons rien du nom des villes ni des hôtels, du numéro et du prix des chambres, des horaires du bus ou du degré centigrade de la température, ni de la condensation de la brume d’un violet brun grisâtre à l’horizon ou d’un vert bronze oxydé du paysage.

De cette réalité précise, picturale et chiffrée, naît, non seulement un carnet de bord ou un journal, mais un texte foisonnant, irréductible comme son auteur qui en appelle à Jacques RIGAUT en exergue : «Il n’y a rien à faire. Vous pouvez compter sur moi. je m’en charge. »

 

F.J. OSSANG est ici et là, tous sens éveillés, à capter le réel, ancré dans l’instant qui roule, pour l’alpaguer, lui soutirer la violence d’une couleur, la singularité d’une assonance ou la saturation d’une odeur.

« Toute la première semaine, j’interroge le mur des hôtels, la façade des restau­rants, le goût de fruits de mer et de glaciers qui émane des cartes de l’extrême Sud, la rumeur de saga sels et poussières dans l’immense désert du nord, … »

L’injonction rimbaldienne à être voyant, à se faire voyant est sienne. Il regarde « les passants dans la rue (qui) ont presque tous la peau blanche ». Et immédiatement il « songe aux Indiens Alakalufs de l’Ile Wellington (qui ont) disparus… »

Son regard force l’apparence, rend compte des signes, imprime la plaque sensorielle, enregistre le paysage extérieur et révèle le bouleversement intime.

Il engage le lecteur à le suivre, à se laisser «ferrer dans l’immédiat magnétique ». Sa manière d’être au monde est d’avancer sur le fil d’un rasoir avec la musique de la terra incognita, dans la scansion des aubes et des crépuscules, le rythme des nerfs, des pas et des phrases, la fièvre des « mots fugitifs» : « Celui qui s’arrête a tort ». Et F.J. OSSANG sort, filme, s’agite, entend, découvre.

Les faits historiques, les souvenirs, les réflexions, les rêves, les songes et les visions se suivent, s’entremêlent et tournoient alors que « des siècles parlent à l’oreille dans un brouillage de races et d’empires »

 

Le présent s’éventre sur le passé mais réapparaît tout aussi neuf et électrique.

« Il reste 49 nuits pour fixer le destin : quitter ou passer au nouveau monde. »

L’enjeu est clair. Le présent conjugue la vitesse physique à l’urgence exis­tentielle.

Ce voyage sera-t-il initiation confirmante de sa présence au monde ?

L’écriture, fourneau de l’alchimiste, le broie, le brûle, oblige la mémoire.

« Je saisis qu’il faut en découdre avec mon origine » et plus loin « …la brutalité naturelle cogne sous les tempes, la civilisation est morte, la cavalerie passe à l’attaque. Il ne reste rien (…) la barbarie, la violence mentale ultime, l’hiver des civilisations circulent dans mes veines ».

La conscience de l’identité blanche est souffrance. « Je dors dans mon âme coffrée par les origines mauvaises… »

Mais pour que la pesée de l’héritage soit complète, il faut ajouter cette « peau de miracle jaune et cuivre », ajouter la fulgurance poétique.

D’un côté la fatalité inscrite, de l’autre une liberté reconnue.

« J’ai longtemps vécu en Indien. Un Indien vit par les poèmes. Tout lui devient poème…Les Dieux ne s’expriment dans notre bouche qu’avec des poèmes – cela au moins tous les Indiens le savent. »

 

Avec Les 59 jours, F.J. OSSANG signe un texte inspiré, poème épique et codex mexicain.

« La planète se révulse et nous défèque parmi les âmes mortes. Et pourtant, pourtant quelque chose se passe. On repart… »

 

Quelque chose se passe. Cette épiphanie, surgissement d’un sens nouveau, nest autre que la renaissance à soi-même.

« Je suis OSSANG, lHomme-Médecine des Indiens du printemps,

de l’impossible printemps européen. »

 

On repart…

 

Cypris Kophidès

OSSANG F.J.