LA FILLE DU SORBIER

Daniel MORVAN
paru le 07/10/2004

130 × 200 mm, 160 pages
978-2-911438-29-9

17,00 €

Le foudroyé d’ Adèle

 

Le ton est donné dès la première page : les fantômes ont leur part de décision dans le destin des vivants. “ Un veuf et une veuve qui arrivent chacun derrière leur cercueil et repartent ensemble ”, telle est l’improbable rencontre de Robinson Barnicott et de Adèle Reesman. Adèle et Robinson, deux prénoms comme des oriflammes, unis “ dans ce coup de foudre à blanc autour des tombes ”, bien vite ensemble dans un dialogue où se mêlent réplique de film, extrait de poème, partition musicale ou image de tableau.

 

“ j’apprenais Adèle comme j’aurais appris le russe, le syriaque ou le slavon ”, confie Robinson dont l’attention demeure fascinée pour l’une des seules filles dont le visage donne l’image du corps, l’émouvante à la gorge miellée, et aux jambes fines et nerveuses, qui a le don des correspondances, aussi pour cette autre image d’elle avec “  le menton qui tremble et le visage enfoui dans les mains ”.

 

Daniel Morvan a réussi la gageure dans cette fiction à la première personne de tisser une rencontre d’aujourd’hui – avec portables et SMS interposés- sur la présence palpable d’un monde psychique où glissent les songes hantés de fantômes aimés, Rainer Maria Rilke, Boris Pasternak, Marina Tsévaiëta, Robert et Clara Schumann.

 

Bien sûr il y a autour de Robinson la ronde des vivants, la sculpturale Leonor,Grégoire le faux-ami, Ariane la passante, Svetlana,la figurante qui attend son tour…Mais avec Adèle, la belle insaisissable,l’amour entre en poèsie, hors attache, et les rêveries de Robinson dérivent sur d’autres attractions : celle de Robert et de Clara vécue au quotidien, celle de Marina et Boris par correspondance, comme des miroirs où viennent se refléter leurs propres visages, des miroirs de ce que peut être l’amour : la promesse d’une vie plus haute…mais aussi plus menacée : “ Mais je ne le sentais pas encore, j’ignorais que l’absolu vous attache à la souffrance ”.

 

Le livre se construit sur la présence en creux de l’absente, Adèle, la bien-aimée lointaine, pour toujours la fille du sorbier. Que cherche Robinson si ce n’est une certaine essence de l’amour qui ressemble à de l’adoration ? Comment peut-il ne pas être obsédé par une femme qui a permis qu’éclose en lui un tel sentiment ?

 

Bien que le narrateur ne soit pas sans humour et s’amuse parfois des paradoxes du désir, prendre Marina et Robert comme amis intimes et conseillers en sensibité, s’imaginer à leur place et leur donner la parole sont des exercices périlleux où se découvrent d’autres paysages intérieurs, la souffrance, les ravages de la jalousie, l’explosion de la folie, la dévastation.

 

Par un de ces violents retournements comme parfois la vie en réserve, après le désespoir peut-il advenir l’inespéré ?

 

Un roman foisonnant, poétique qui interroge loin les méandres de l’amour fou, à flanc d’abîme.*

 

 

*André Breton

 

Cypris Kophidès

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